Le collectif « sur la voix publique » de Charleroi
Depuis 2010, différents acteurs du champ de la santé mentale à Charleroi ont décidé d’intégrer de manière plus formelle, dans leurs actions de soins et d’accompagnement des personnes traversant une fragilité psychique, la dimension culturelle. Une convention entre l’asbl Article27 – l’hôpital de jour le Guéret (GHDC) – le Regain IHP a ainsi vu le jour, offrant la co-mise en place de projets artistiques et d’éducation permanente avec l’ensemble des personnes accompagnées dans les différents services.
Chemin faisant, les projets artistiques se sont articulés autour de « fils rouges » traitant de sujets liés au quotidien des personnes accueillies, aux observations partagées du terrain et des réalités vécues et relatées par celles-ci. Les sujets explorés collectivement étaient notamment : les « peurs », nos multiples manières d’« Habiter le monde » au travers d’un ensemble d’espaces de questionnements et de créations polymorphes (photographie, danse/mouvement, arts plastiques, etc.) ; nombreux artistes ou collaborations culturelles sont venu.e.s soutenir ces dimensions. Des cycles de découvertes théâtre – musique – écriture - etc. et/ou des sorties culturelles spécifiques ont également alimenté les projets comme autant de sources d’inspiration, de leviers, de réflexions et de dialogues entre les divers acteurs et actrices.
Les actions socio-culturelles s’inscrivent toujours dans une visée d’offrir aux personnes accompagnées, la connaissance d’autres espaces de socialisation possibles ; des espaces autres que ceux liés directement à la psychiatrie proprement dite ou implantés dans les espaces de soins. Le réseau s’est donc tissé grâce à la médiation menée notamment par l’asbl Article27 qui, dans ses missions partagées, a ouvert des ponts entre les divers publics, les partenaires sociaux et les opérateurs culturels locaux sensibilisés à ces démarches de décloisonnements. Les personnes ont été/sont au cœur des processus de création : ceux-ci se sont adaptés aux rythmes respectifs, aux souhaits d’investissement de chacun·e, aux réalités partagées et ce, dans une dimension participative et citoyenne.
Enthousiastes face aux retombées positives observées par l’ensemble des acteurs/actrices, professionnel·les et groupes de personnes inscrites dans les projets, il y avait à s’inscrire dans une nouvelle phase d’actions en tissant des liens plus serrés avec l'Autre "Lieu" - R.A.P.A.
Il était question d'alimenter nos possibilités réciproques de rayonnement territorial, les espaces d’échanges et d’actions pour avancer sur les changements souhaités dans notre société : la question de la légitimité et de l’inclusion des personnes traversant une fragilité psychique ou encore, la place laissée à l’expression de toute autre singularité.
En se reliant à la Campagne "semer le trouble", le collectif s’est donné l’occasion de questionner le « Comment la société intègre-t-elle le « trouble » ? », « quelles sont les représentations souvent véhiculées autour de la maladie mentale ? », « Quelles sont les usages du territoires, les diverses composantes formant un lieu public que nous sommes amené.e.s à redéfinir pour donner place et lieu à l’expression plurielle des minorités ou des personnes souhaitant donner une autre fonction à ceux-ci ? Comment faire commun et composer ensemble en s’offrant des espaces d’existences ou de co-existences ? Qu’est-ce qu’un espace public ? Quels sont les lieux « où je me sens inclus·es » ?
C’est autour de ces questions que le groupe a dégagé petit à petit des récits communs, des « essentiels / incontournables », les premiers critères pour définir des lieux dits « inclusifs », une réflexion sur « l’action citoyenne » ; ils ont également laissé libre court à leur imagination pour penser « leur ville idéale » et re-penser l’espace public.
Il s’agit non plus de devoir s’adapter à la société mais de pouvoir faire partie intégrante de celle-ci avec nos singularités, nos « troubles » ; cela suppose d’entrer dans une dimension de « sujet », « d’acteur.ice.s » et d’opérer des actions pour créer ce « trouble » propice à la remise en question des éléments établis, des « prêts-à-penser », de questionner nos enjeux communs, de proposer d’autres modèles de société.
Les ateliers art et citoyenneté ont donné un espace ouvert sur des réflexions partagées autour de la notion d’inclusion et de lieu(x) dits « inclusifs » ainsi que sur la création d’autocollants pour les identifier dans l’espace public. Nos réflexions ont brassé les notions de « mauvaises graines » (prenant pour sources d’inspiration l’exposition de Manon Bara organisée au Vecteur) : ces plantes « indésirables » ou « dérangeantes » qui offrent pourtant tant d’apports pour nos sols ou notre santé ; nous avons ensuite axer nos échanges et ateliers d’art sur nos représentations des lieux dits « inclusifs » ou de « bien-être », là où on « ne doit pas en faire 150% mais où nous pouvons être nous-mêmes et accueilli.e.s tels que nous sommes » ; nous avons toutes ensemble recherché divers modèles de représentations pour donner une forme à ceux-ci en dessin et linogravure. Un processus de sérigraphie sur vinyle offrira le support des autocollants. Une cartographie évolutive avec l’identification des lieux dits « inclusifs » fera aussi l’objet de nos actions de repérage et de visibilité de ceux-ci dans l’espace public.
Les ateliers ont rassemblé :
- les personnes accompagnées par le Regain IHP et l’hôpital de jour du GHdC le Guéret
- les publics issus du réseau des partenaires Article27
- le « tout public » se sentant l’envie et le besoin de rejoindre notre démarche d’action et de participation citoyenne
- les aidants proches
- les professionnels concernés par la thématique